Un partisan du Premier ministre déchu, Thaksin Shinawatra, dont le parti est interdit depuis le mois de juin, manifeste devant le parlement le 6 juillet 2007.(photo : Reuters)
Ce 6 juillet, les 98 membres de la Constitution Drafting Assembly (CDA), l’Assemblée constituante nommée par la junte, ont approuvé un projet de Constitution dont l’une des principales caractéristiques est de restreindre les pouvoirs dévolus au Premier ministre par la précédente loi fondamentale. Celle-ci avait été adoptée en 1997 et révoquée après le renversement de Thaksin Shinawatra, le 19 septembre 2006. Depuis, le Premier ministre déchu est poursuivi pour prévarication et détournements de fonds publics. Sans surprise, le président de la CDA, Noranit Sethabutr, a annoncé que « le vote a été unanime ». Il promet la diffusion, d’ici la fin du mois, du texte tiré à « 19 millions d’exemplaires » pour que les électeurs puissent « l’étudier avant le 19 août prochain », date fixée pour un référendum aux résultats encore incertains. Si le texte passe, des législatives sont prévues le 25 novembre prochain.
Bien évidemment, les membres de la CDA présentent leur nouvelle loi fondamentale comme étant beaucoup plus démocratique que la « Constitution du peuple » de 1997. Cette dernière est en tout cas passée à la trappe avec la révolution de palais de septembre 2006 qui a chassé en exil l’ex-flamboyant Premier ministre Thaksin Shinawatra. L’épais document n’étant pas encore très largement disponible, pour juger de son contenu il faut pour le moment s’en tenir aux éléments mis en avant par la junte ou relevés par les médias nationaux. A les lire, il apparaît donc que le Premier ministre verra désormais limités à deux le nombre de ses mandats (de quatre ans chacun), qu’il sera plus facile de faire jouer contre lui des mesure d’empêchement ou de censure et qu’il lui sera interdit d’être actionnaire ou d’entrer dans les hautes sphères dirigeantes de firmes privées.
Le contre-modèle Thaksin
Largement inspiré par l’expérience Thaksin et la volonté d’instaurer un système de surveillance et de contrepoids des pouvoirs du chef du gouvernement, le texte exige notamment des ministres et des parlementaires une transparence patrimoniale et financière élargie. Réduisant le nombre des députés au Parlement, la junte propose aussi qu’une « commission spéciale » nomme la moitié des quelque 150 sénateurs. C’était l’un des articles les plus discutés de la nouvelle charte fondamentale qui n’a pas non plus consacré le bouddhisme religion d’Etat comme l’espérait certains militants de l’opposition. Un article 78 indique en effet que « l’Etat accordera aide et protection au bouddhisme professé par la majorité des Thaïs, et aux autres confessions ». Un article 30 inédit stipule de son côté que « femmes et hommes, ainsi que ceux qui participent d’un autre genre, jouiront de droits égaux ».
Dès vendredi, une centaine de militants du troisième sexe est allée manifester sa joie, fleurs en main, devant le Parlement tandis qu’au même moment, un millier de partisans de l’Alliance démocratique contre la dictature manifestaient au contraire leur réprobation. « Cette constitution a été rédigée par des dictateurs. Comment pourrions-nous l'accepter ?», interroge par exemple l'ancien porte-parole de Thaksin Shinawatra, Jakrapob Penkair. Dissout en juin dernier par un tribunal mandaté par les militaires, le parti de Thaksin, Thai Rak Thai (Les Thaïs aiment les Thaïs), a été chassé de l’échiquier politique, ce qui n’empêche pas ses partisans de militer en sous-main contre un projet de Constitution qu’ils ne sont pas les seuls opposants à juger « rétrograde ». La junte a déjà fait savoir qu’au cas où son texte ne passerait pas, elle choisirait alors de remettre en vigueur l’une ou l’autre des 16 constitutions qui se sont succédé entre 1932 et 1997.
Mesures judiciaires et financières contre la galaxie Thaksin
« Les élections doivent être libres, justes et transparentes », martèle le Premier ministre par intérim, le général de réserve Surayud Chulanont, en réponse aux interrogations sur les motivations de la junte à accélérer un calendrier électoral qui programmait initialement le référendum en septembre et les législatives en décembre. Les pressions internationales en faveur d’un retour aussi prompt que possible à une vie politique plus civile ont certainement pesé. Mais la junte a sans doute aussi ses propres raisons de vouloir battre le fer encore chaud des mesures qu’elle a prises en rafales contre la galaxie Thaksin condamnée au minimum à une âpre traversée du désert. Depuis trois semaines, le parti du Premier ministre déchu est interdit de toute activité politique pour cinq ans. Même sanction pour 110 barons de Thaksin, accusés de fraude électorale.
Le 11 juin, la junte a voulu couper les cordons de la bourse de l’ancien chef du gouvernement, une commission anti-corruption ordonnant le gel de plus de 1,5 milliard de dollars sur des comptes bancaires de la famille Thaksin. Le 2 juillet, 31 membres de son ancien gouvernement et 17 responsables de la loterie nationale ont également été accusés avec Thaksin d’escroquerie, au détriment de l’Etat. Evasion fiscale, délit d’ingérence boursière, les condamnations pleuvent sur Thaksin accusé avec son entourage d’avoir « causé de graves dommages au pays ». Les nouvelles autorités lui avait donné jusqu’au 29 juin pour revenir à Bangkok s’expliquer devant la justice, sous peine d’être visé par un mandat d’arrêt international. Thaksin n’est pas venu et la police thaïlandaise « a publié une nouvelle convocation pour que Thaksin et sa femme se voient notifier les charges qui pèsent sur eux le 27 juillet ».
Au Royaume-Uni où il passe l’essentiel de ses journées d’exilé, Thaksin a tenté, sans succès jusqu’à présent, de racheter le club de football de Manchester et de se regagner la sympathie des Thaïs, épris de ballon rond. En Thaïlande, les survivants de l’hécatombe politique qui a fait le vide dans son orbite n’ont guère d’autre choix que de se regrouper dans une nouvelle formation. « C'est bien d’avoir avancé les élections mais il faut ouvrir la possibilité d'enregistrer des partis politiques, faute de quoi les élections ne seront pas légitimes », souligne l’un des anciens responsables du Thai Rak Thai de Thaksin, Kudeb Saikrajang. Il y a urgence, en effet, pour être en ordre de bataille aux législatives d’où sortira un nouveau Premier ministre.
1 commentaire:
Oui oui...
Thaksin ou pas, y aura toujours des toxines (worms) dans ce pays malheuresement.
Demandez à Kroo Kumjai...
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